Détective Privé : un métier traditionnel qui s’est moralisé et se professionnalise

Détective Privé : un métier traditionnel qui s’est moralisé et se professionnalise

Pour les personnes n’ayant pas eu accès au magazine Le Journal du Village de la Justice, numéro 85, nous vous proposons une retranscription de l’article de M. Jean Emmanuel Derny, détective privé et président du SNARP (Syndicat National des Agents de Recherches Privées), membre du collège du CNAPS et secrétaire général de la Fédération française de la sécurité privée (FFSP). Ce dernier, professionnel émérite et fervent militant pour une reconnaissance et une transparence toujours plus accrues de notre métier, élabore une synthèse générale sur les conditions de formation et d’exercice du métier d’agent de recherches privées, plu communément baptisé détective privé. Un grand merci à lui pour cette publication au sein d’un média juridique permettant d’éclairer sur notre profession auprès des juristes et praticiens du droit.

Il est navrant d’entendre, encore de nos jours, des avocats dire à leurs clients qu’un rapport de détective privé ne sert à rien et coûte cher. Il s’agit encore d’une rumeur urbaine. En effet, la profession de détective privé, définie dans les textes officiels par agence de recherches privées, souffre cruellement d’une image ancienne remontant au légendaire Vidocq, personnage éponyme, mort dans la misère car détesté de tous, y compris de sa famille. Les médias ont rendu sympathique ce personnage odieux, tandis qu’aux USA, la profession était mieux considérée. Il est vrai que l’on trouve encore des détectives voyous, aux méthodes illégales et aux tarifs exorbitants, rédigeant des rapports farfelus. Les clients doivent restés prudents et avertis

Depuis 2003, la profession est reconnue par le Ministère de l’Intérieur, et depuis 2012 avec la création du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS), la profession est drastiquement réglementée et contrôlée. Les textes de lois concernant les métiers de la sécurité sont regroupés dans le Titre VI du Code de la Sécurité Intérieure (CSI), au titre II pour les agences de recherches privées. Ainsi l’article L621-1 définit et protège les détectives par le texte : « est soumise aux dispositions du présent titre la profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l’objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts. »

Avant 2003 il y avait très peu de textes pour encadrer la profession de détective privé, mais depuis cette époque des textes (lois, décrets, arrêtés) n’ont pas arrêté d’être publiés. En juillet 2012, le CNAPS publie au Journal Officiel un Code de Déontologie opposable aux juges. Puis à partir de cette période plusieurs décrets encadrent les formations diplômantes. Ainsi la profession a été moralisée à partir de 2012 puis professionnalisée depuis 2017, notamment via le contrôle des formations et la mise en place du maintien des compétences (MAC), anciennement formation continue. Le MAC, de 35 heures sur 5 ans, permet de renouveler la carte professionnelle. Le MAC est presque toujours pris en charge financièrement par les OPCA. Il est à noter que le Ministère de l’Intérieur ayant souvent « mélangé » ou mal défini les textes entre le titre I et le titre II de la loi, les confusions sont souvent de mise pour les contrôleurs du CNAPS qui ont bien du mal à s’y retrouver et les détectives privés en font les frais.

Les formations de détective privé et le contrôle par le CNAPS

Pour les formations, il n’existe que quatre centres reconnus par l’Etat. La faculté de droit Assas formation permanente à Melun, la faculté de droit à Nîmes, l’institut de Formation des Agents de Recherches (IFAR) à Montpellier et l’Ecole Supérieure des Agents de Recherches (ESARP) à Paris. Les organismes universitaires n’assurent pas les formations MAC. Le diplôme de directeur d’enquêtes permet de demander au CNAPS le « précieux » agrément permettant de diriger une agence de détective.

Le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP), délivré seulement par l’IFAR et l’ESARP, permet d’obtenir la carte professionnelle auprès du CNAPS afin d’être salarié d’une agence. Pour être conforme aux textes sur l’égalité des chances pour ceux qui souhaitent évoluer dans les circuits des formations professionnelles, une formation passerelle (6 mois) leur permet de devenir directeur. Les élèves stagiaires des écoles de formation doivent enfin obtenir un agrément provisoire de stage.

Le CNAPS délivre plusieurs types de documents officiels notamment :

  • L’agrément (AGD) valable 5 ans obligatoire pour diriger une agence d’enquêtes.
  • L’autorisation (AUT) pour l’établissement valable 99 ans. Une AUT par établissement secondaire.
  • La carte professionnelle (CAR) valable 5 ans, renouvelable sur présentation du diplôme MAC, obligatoire pour les salariés et ceux qui vont enquêter sur le terrain.

Ces numéros AGD, AUT et CAR doivent obligatoirement être mentionnés sur tous les documents administratifs et commerciaux du détective privé, y compris les sites internet les cartes de visite. Si l’avocat ou son client ne constatent pas ses numéros sur les documents du détective, il a grand intérêt à fuir cet enquêteur qui n’est peut-être pas officiel.  Ces numéros sont délivrés par le CNAPS après une sévère enquête de police, avec des délais parfois longs. Ils peuvent être vérifiés sur le site Internet du CNAPS. Sur le terrain, les contrôleurs du CNAPS vérifient que les agences d’enquêtes privées sont bien conformes à l’ensemble de tous ces textes réglementaires y compris fiscaux.  Les sanctions sont parfois lourdes. Le détective privé doit faire signer un contrat commercial ou un contrat de Mandat é son client avec obligatoirement la définition de la mission dévolue, le cadre juridique, le délai possible, la base tarifaire, puis il doit rendre un rapport et une facture.

Nous le voyons, la profession petit à petit se modernise et s’officialise. Les syndicats professionnels travaillent en étroite collaboration avec le Ministère de l’intérieur, principalement la délégation aux coopérations de sécurité (DCS) afin d’obtenir des prérogatives utiles à leur profession, dans le but d’améliorer leur travail d’enquêtes et leur efficacité pour défendre leurs clients, sans nuire à l’ordre public. C’est avec la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du Ministère de l’Intérieur que les syndicats travaillent sur la réflexion et la mise en œuvre de certains textes officiels. Le principal syndicat qui défend les intérêts de la profession est le Syndicat National des Agents de Recherches Privées (SNARP) qui est le plus important et le plus ancien, fondé en 1961.

Il y a environ 750 à 800 détectives privés agrées en France, dont presque 200 sont adhérents sur SNARP, les autres syndicats ont entre 40 et 10 adhérents. Les autres détectives ne souhaitent pas être syndiqués. Concernant l’aspect financier, les tarifs sont libres, généralement les détectives facturent au temps passé et le client ne doit pas raisonner en dépenses mais en investissement. Le travail du détective, finalisé par un rapport digne de ce nom, donc recevable devant les tribunaux, sera un précieux outil pour l’avocat.

Il est triste de voir certains clients préférer ne pas investir au risque de perdre un procès. Le détective privé a une mission d’information, de conseil, d’assistance et d’enquête pour le compte de ses clients, particuliers ou entreprises. Il peut posséder une spécialité (financière, mœurs, protections des enfants, enquête d’assurance…) ou être généraliste. Il est très souvent le dernier recours de défense du citoyen et de l’entreprise. Il apporte des preuves en vue d’une négociation ou d’un procès.

Autrefois spécialisé dans les affaires de mœurs, le détective privé consacre la plus grande partie de sont temps à repérer les fraudes de toutes sortes, à dévoiler escroqueries, les faux arrêts maladie, le travail clandestin, le vol en entreprise, à déceler la concurrence déloyale ou à lutter cotre l’espionnage industriel. La recherche de personnes disparues est toujours d’actualité dans le métier, notamment pour les contrats d’assurance vie tombés en déshérence, pour les successions difficiles, ou encore les personnes qui se cachent ayant des dettes. La rumeur urbaine laisse croire que le divorce est libre. Si l’adultère n’existe plus depuis 1975 en droit pénal, le divorce pour faute existe toujours au civil. Lorsque les clients demandent l’aide d’un détective l’enjeu porte principalement sur la partie financière du divorce et la garde d’enfants. Le détective privé exerce essentiellement de actions liées au droit civil, mais parfois en amont des actions pénales en partenariat avec la police ou la gendarmerie, par l’apport validé de nouveaux éléments, les contre enquêtes du détective peuvent contribuer à faire modifier en appel par exemple les conclusions d’une affaire pouvant être jugée au pénal. Comme les avocats, il a une obligation de moyens et non de résultats.

Comment bien choisir son détective privé ? Nos conseils et astuces en cinq points

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Article : Interview Jean Emmanuel Derny – Magazine Le Journal du Village de la Justice numéro 85 (Trimestriel)

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